Peinture canadienne des années 30

Introduction

On peut définir l’art canadien des années trente comme un mouvement entre deux pôles : du nationalisme à l’internationalisme, du Groupe des Sept à la Société d’art contemporain, de Toronto à Montréal.

Le Groupe des Sept avait pensé que la revitalisation de l’art canadien serait le résultat de l’exploration et de l’interprétation assidues du paysage. Mais dans les années trente, de nouvelles directions ont commencé à émerger.

De nombreux jeunes artistes s’inspiraient des réalistes sociaux américains, dont l’œuvre était une réaction aux crises sociales et politiques de l’époque. Les artistes de Montréal se sont tournés vers la France pour explorer de nouvelles pistes. Dans les expositions, les paysages ont cédé le pas à des études du corps humain, des nus, des natures mortes, des scènes industrielles, des critiques sociales et des œuvres abstraites. Bien que ces nouvelles directions aient reçu une certaine opposition, elles ont obtenu l’appui de nombreux critiques canadiens. 

Les associations d’artistes sont restées prédominantes dans le réseau d’exposition, mais des galeries privées où l’on présentait de l’art contemporain canadien ont peu à peu vu le jour. À Montréal, les artistes avaient moins d’occasions d’exposer leurs œuvres et le besoin criant d’une organisation locale forte a conduit à la formation du Groupe de l’Est et de la Société d’art contemporain.

Le mécénat privé des arts visuels, qui était déjà limité au Canada, a diminué pendant les années trente. Les galeries publiques ont vu leur budget fondre et l’achat d’art contemporain canadien est devenu presque nul. Comme David Milne l’a commenté ironiquement, « Les artistes supportent très bien les dépressions : elles ressemblent tellement à la sorte de prospérité à laquelle ils sont habitués ».

De nombreux artistes ont senti le besoin de réévaluer leur art et leur rapport à la société lorsqu’ils ont été confrontés à un tel bouleversement social et économique. Pour certains d’entre eux, l’art était synonyme de religion, soit l’expression la plus élevée émanant d’une société. Son rôle était donc de contribuer à l’éveil spirituel de la communauté. D’autres artistes n’attribuaient que des fonctions purement esthétiques à l’art.

Au milieu des années trente, les artistes de la nouvelle génération et de la gauche réclamaient un rôle social pour l’art. Bien que bon nombre d’entre eux aient publié des caricatures et des articles dans des revues socialistes et marxistes, la peinture canadienne de l’époque comporte peu de contenu à caractère ouvertement politique ou social. Il y avait un parti pris contre la propagande dans l’art, et il était onéreux de créer des œuvres qui ne se vendaient pas. Néanmoins, de nombreux artistes ont produit des œuvres qui faisaient allusion à des événements politiques ou qui reflétaient leurs allégeances politiques par le choix même des thèmes. L’aquarelle, qui était moins coûteuse, a connu un regain durant cette décennie.

L’isolement géographique nuisait à la communication entre les artistes au Canada et empêchait la formation efficace d’une organisation à grande échelle. En 1941, la conférence de Kingston a réuni pour la première fois des artistes de partout au pays et a mené à la fondation de la Fédération des artistes canadiens. Malgré la fondation de la Fédération, c’est à Montréal que le développement le plus important est survenu. Le fait que Montréal remplace Toronto comme centre d’attention a entraîné la prédominance des progrès artistiques du Québec dans les années quarante.