Peinture canadienne des années 30

Le Groupe de Beaver Hall

Il existait à Montréal un groupe dynamique d’artistes qui s’étaient consciemment alliés au Groupe des Sept de Toronto, reconnaissant l’importance de la lutte du Groupe pour un art contemporain d’origine canadienne. Originaire de Montréal, A.Y. Jackson assurait les communications entre les deux villes, soutenant et encourageant les artistes montréalais par des visites et une correspondance régulières.

La plupart de ces artistes montréalais avaient étudié sous la direction de William Brymner et participé au Groupe de Beaver Hall, une association sans structure dont les membres partageaient des studios sur le square Beaver Hall. Bien que le Groupe, formé à l’automne 1920, n’ait survécu qu’un an et demi, les amitiés et les alliances nouées alors se poursuivirent pendant les vingt années suivantes.

Alors que Montréal pouvait s’enorgueillir de plusieurs excellents peintres paysagistes, dont Anne Savage et Sarah Robertson, les critiques d’art les plus perspicaces remarquèrent l’émergence d’une école indépendante qui s’intéressait avant tout à la forme humaine, et comptait Edwin Holgate dans ses rangs. Après une année à Paris, Holgate était revenu à Montréal et avait commencé à enseigner le graphisme à l’École des beaux-arts en 1928. Parlant couramment le français et l’anglais, Holgate était l’un des seuls artistes à pouvoir franchir les barrières culturelles entre les milieux anglophone et francophone de Montréal, et son influence se fit sentir dans les deux communautés. Grand admirateur de Paul Cézanne, la préoccupation principale de Holgate en tant que peintre résidait dans la structure et le modelé des surfaces du corps.

Lilias Newton partageait l’intérêt de Holgate pour la forme et est devenue une portraitiste de renom. Les deux artistes ont enseigné à la Société des Arts de Montréal de 1934 à 1940.

Le portrait était sans aucun doute la prérogative des artistes de Montréal au début des années trente. Hormis Ludivine (c.1930, cat. no.17), les femmes d’Edwin Holgate sont des études sur la forme et la structure. Les modèles de Lilias Newton sont des personnes confiantes de leur rôle dans la société et de l’orientation de leur vie. Prudence Heward a peint le portrait de femmes fortes et indépendantes aux vies et aux personnalités particulières. Pourtant, ses œuvres dégagent une certaine impression de tension et de lourdeur. Les enfants qu’elle a peints dévisagent le spectateur avec un regard méfiant ou perplexe, comme s’ils étaient touchés par les incertitudes de Heward elle-même.

Pendant les années trente, Heward a augmenté l’intensité de ses couleurs en utilisant des tons riches et plutôt acides, et elle est passée de la représentation de formes sculpturales sur une surface plane à une interprétation éclatante de la couleur et de la lumière.