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Portrait d'un homme au feutre
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Lorenzo Lotto
Portrait d'un homme au feutre, v. 1541?
huile sur papier marouflé sur carton et doublé sur toile
57,8 x 46,5 cm
Acheté en 1998

L‘acquisition récente du Portrait d’un homme au feutre de Lorenzo Lotto enrichit la collection du Musée d’une toile exceptionnelle. Aujourd’hui reconnu comme l’un des plus grands maîtres italiens de formation vénitienne du XVIe siècle, Lotto réalise cependant la majorité de son œuvre en Vénétie et dans les Marches, ainsi qu’à Bergame et dans les environs. Ses premières toiles témoignent de l’influence de Bellini, de Giorgione et, à un moindre degré, celle de Raphaël, dont il aurait fait la connaissance au cours d’un bref voyage à Rome, et de Léonard de Vinci. D’une nature sensible, parfois même porté à l’introspection, Lotto peint essentiellement des sujets religieux. Très proche des dominicains – il exécuta d’ailleurs plusieurs retables dans leurs établissements du nord de l’Italie –, il mourut frère lai de cet ord re à Lorette. Portraitiste exceptionnellement doué, il avait des protecteurs à Venise, à Bergame et dans les Marches.

Les critiques ont accueilli avec enthousiasme ce portrait qui vient tout juste de refaire surface et qu’on a pu voir dans la rétrospective consacrée à cet artiste à Washington, Bergame et Paris en 1997–1998. Exceptionnel en ce sens qu’il a été réalisé sur papier, puis marouflé sur carton et plus récemment sur toile, L’homme au feutre fait peut-être partie de l’achat, par Ottavio da Macerata, du groupe de huit têtes peintes à l’huile sur papier inscrit au livre de comptes de Lotto à la date du 4 mars 1541. En effet, l’artiste avait dû passer plusieurs mois à Macerata l’année précédente, attendant le paiement d’un retable exécuté en 1539 pour l’église dominicaine de la ville avoisinante de Cingoli. On peut logiquement supposer qu’il en a profité pour exécuter des portraits de personnes de la région et d’autres commandes; privé d’un atelier convenable, il aurait travaillé sur papier et apporté ces feuilles à Venise pour les terminer.

L’interprétation simple et sans prétention reflète la sympathie de Lotto à l’endroit de son modèle qui regarde l’artiste et, bien sûr, le spectateur avec franchise et intelligence. Sa tête et ses épaules remplissent la toile d’une manière qui rappelle le célèbre portrait de Castiglione par Raphaël, une œuvre qui se trouvait alors à Mantoue. Coloriste de talent, Lotto utilise pourtant ici la même gamme de tonalités monochromes. Cependant, malgré une palette limitée, la toile n’est pas sombre: elle présente plutôt des variations subtiles dans les nuances chaleureuses du costume, de la carnation et des cheveux. Aucun élément ne permet d’identifier le modèle, mais les vêtements simples sont soignés, sobres et d’une certaine qualité. L’homme porte sur ce qui semble être une chemise de lin blanc savamment mise en valeur une veste noire et une tunique d’épaisse laine grise recouvertes d’un gilet de daim orné de velours noir. Ses cheveux légèrement ébouriffés laissent à penser qu’il vient tout juste de retirer le chapeau de feutre qu’il tient encore dans la main gauche, attitude qui confère à l’ensemble une certaine spontanéité. Le format, réduit, est typique des dimensions des portraits de la première moitié du XVIe siècle .

Dans la constitution des collections, les conservateurs visent systématiquement des œuvres de la plus haute qualité et recommandent soit d’acquérir des tableaux d’artistes encore non représentés, soit de tirer parti des forces de la collection – ce qui est le cas ici. Ce portrait vient rejoindre au Musée une œuvre plus ancienne de l’artiste, la colorée Vierge à l’Enfant entre saint Roch et saint Sébastien (vers 1521–1524), et renforce le noyau déjà important des portraits du XVIe siècle des écoles allemande et italienne en y apportant un élément nouveau puisqu’il s’agit du premier cas où l’analyse psychologique sensible et perspicace reflète une compréhension aussi profonde du sujet.