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Nature morte aux fruits
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Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté
Nature morte aux fruits, v.1902
huile sur toile
27,3 x 40,4 cm
Acheté en 1998

Après un apprentissage comme décorateur d’églises au Québec, Suzor-Coté part en 1891 poursuivre sa formation à Paris. Il s’inscrit à l’École des beaux-arts, où il entre à l’atelier de Léon Bonnat, et étudie au cours de l’hiver 1893–1894 sous la direction de Fernand Cormon. Il expose pour la première fois avec la Société des artistes français, rite de passage presque obligé des artistes débutants, puis repart pour le Canada au printemps 1894. Les dix années suivantes, il fait la navette entre Arthabaska – son village natal des Cantons de l’Est –, Montréal et Paris, travaillant dans la capitale française de novembre 1897 à juin 1901, de janvier 1902 à juin 1903, de janvier 1904 à juillet 1907 et d’avril 1911 à janvier 1912. Les dates de ses séjours parisiens ont de l’importance car l’inscription apparaissant sur cette nature morte non datée précise qu’il l’a peinte à Paris.

D’abord et principalement portraitiste et paysagiste, Suzor-Coté peindra plusieurs natures mortes pendant les quinze premières années de sa carrière. L’une des plus anciennes, datée de 1892 (Musée des beaux-arts de Montréal), représente un éventail refermé, des oranges et un verre de vin sur une surface sans relief. Ces objets évoquent plusieurs aspects de la vie insouciante dont rêve tout jeune artiste canadien arrivant à Paris : bonne chère, bon vin, théâtre et amours illicites. Le fini des natures mortes datant du milieu de la décennie sera plus soigné. Deux d’entre elles qu’il peint presque en trompe-l’œil en 1895 annoncent les natures mortes au gibier suspendu réalisées en 1897, une fois revenu chez lui. Au milieu des années 1890, il produit plusieurs études florales, dont une qui représente des lis avec une partition de musique, une autre des roses blanches et une troisième, datant de 1897, un vase de marguerites jaunes et blanches (Musée des beaux-arts de Montréal).

Le traitement des couleurs de deux natures mortes exécutées en 1902 est plus souple et plus fluide. Ainsi, dans Nature morte aux oignons (MBAC), le rendu de la texture et des reflets du pichet et de la cruche en cuivre disposés sur une surface rugueuse et sans relief à côté d’ail et d’oignons non pelés frise la perfection. Cette humble représentation d’objets du quotidien est manifestement un hommage aux peintres hollandais du XVIIe siècle. Dans une œuvre apparentée, Nature morte aux pommes et marrons (collection particulière), l’artiste oppose au poli d’un brasero en cuivre la glaçure verte d’un pichet et les écorces rôties de châtaignes disposées avec trois pommes sur une même surface.

La ressemblance stylistique qui existe entre les tableaux de 1902 et Nature morte aux fruits suggère une date commune. Dans ce dernier cas, l’artiste a disposé davantage de citrons, de pommes et d’oranges exotiques sur ce qui ressemble à un plateau en argent. Au premier plan, un citron se reflète sur la surface teintée d’une légère coloration. Quelques formes indistinctes émergent d’un arrière-plan brouillé. Toutefois, on note la disparition des accessoires d’atelier – et de toutes leurs implications académiques – présents dans les deux autres tableaux. Suzor-Coté s’intéresse ici uniquement à la couleur et à la texture des objets nimbés d’une douce lumière. La structure resserrée et l’absence de rebord renforcent la spontanéité de l’étude. Resplendissants de couleur, les objets occupent leur propre espace. Nature morte aux fruits, avec son rendu sensuel et splendide, marque un nouveau départ dans l’œuvre de Suzor-Coté. Celui-ci abandonne les formules historiques et académiques et joue avec les formes, les textures, les couleurs et les lumières, plaisir qui éclatera dans le splendide Paysage d’hiver de 1909 (MBAC).