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Vienne
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Brian Jungen

Vienne, 2003
Chaises en plastique
Acheté en 2003 grâce au
Fonds Joy Thomson de la
Fondation du Musée des beaux-arts du Canada

Au premier regard posé sur Vienne, nous sommes frappés par l'échelle immense et la beauté complexe de ce qui semble être un squelette de baleine suspendu. En y regardant de plus près, nous nous apercevons que cette sculpture est en réalité composée de centaines de chaises de jardin en plastique qui ont été découpées puis assemblées pour dessiner cette élégante forme de cétacé. L'artiste est tout à fait conscient du lien ironique qui existe entre le matériau et la sculpture achevée. L'utilisation de ces chaises somme toute banales constitue une critique sociale de la société de consommation actuelle, et pourtant, il a été nécessaire d'en acheter des centaines pour créer l'oeuvre. De plus, les sous-produits de la fabrication du plastique ont contribué en bonne partie à la dégradation de l'habitat des grandes créatures marines auxquelles les sculptures de Brian Jungen font allusion.

Vienne est la troisième sculpture d'une série consacrée aux puissantes et dynamiques baleines qui a débuté en 2000 avec Transmutation. Acquise en 2001 par le Musée des beaux-arts du Canada, Transmutation faisait référence aux capacités de métamorphose des créatures surnaturelles qui peuplent les croyances autochtones. L'oeuvre évoque aussi le processus de création d'une sculpture monumentale à partir d'un objet du quotidien, lecture qui s'applique également à Vienne, dont le titre fait allusion au lieu de création de l'oeuvre et de provenance des chaises. Le fait d'attirer l'attention sur l'endroit où les chaises ont été achetées ou fabriquées sert à démystifier le procédé de construction de la baleine, nous obligeant ainsi à considérer les œuvres comme une marchandise. Le fait d'assembler les chaises peut être vu comme une suite d'opérations; démontées puis reconstruites autrement, elles deviennent quelque chose de nouveau.

Vienne nous force à revoir nos habitudes de consommation. Le squelette en plastique est un signal d'alerte environnemental, les géants des mers étant les premiers d'une chaîne de victimes qui, en définitive, remontent jusqu'à nous. Vienne nous rappelle également la façon dont les peuples autochtones et leur culture matérielle ont été collectionnés et présentés dans les musées d'anthropologie. Jungen établit un parallèle entre l'exposition de squelettes de baleines dans les muséums et la présentation de restes humains dans certains musées d'anthropologie.

Vienne est née du regard analytique que pose Brian Jungen sur la culture consumériste contemporaine, de même que du lien ancestral de l'artiste avec les peuples de la nation Dunneza du nord de la Colombie-Britannique. Du point de vue d'un jeune intellectuel urbain, Jungen situe son oeuvre à l'intérieur d'un réseau complexe et paradoxal d'artistes autochtones qui créent de magnifiques objets à la fois provocants et inscrits dans les univers qu'ils critiquent.