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Une place dans mon coeur
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Tony Cragg
Une place dans mon coeur, 1998
dés en thermoplastique sur fibre de verre
élément 1: 228 x 190 x 109 cm; élément 2: 172 x 90 x 92 cm
Acheté en 1999

Tony Cragg compte parmi les chefs de file de cette génération de sculpteurs britanniques apparue sur la scène internationale vers la fin des années 1970. À la différence de leurs prédécesseurs, Henry Moore ou Anthony Caro, ces créateurs ne puisent pas leur inspiration dans la nature et dans les matériaux traditionnels, mais plutôt dans l’environnement urbain et dans les objets manufacturés. En outre, l’imagination prométhéenne de Tony Cragg se nourrit de son intérêt pour les sciences, notamment pour la façon dont les découvertes, ouvrant des champs invisibles à la connaissance, transcendent les frontières du monde naturel et brouillent les distinctions entre le naturel et l’artificiel.

Une place dans mon cœur illustre le travail de recréation des formes caractéristique des récentes sculptures de Cragg. Le titre évoque à la fois un sentiment – [tu auras toujours] une place dans mon cœur – et la structure de cet organe. Il nous invite à associer des surfaces convexes et concaves à des oreillettes et à des ventricules cardiaques. Toutefois, l’œuvre ne représente pas quelque chose au sens propre du terme. Elle atteste plutôt avec bonheur les talents d’analyse, de déconstruction et de recombinaison de formes existantes ainsi que l’habileté de l’artiste à créer de nouveaux objets inconnus, dont la ressemblance avec d’autres choses connues nous interpelle. L’enveloppe des dés qui moule les formes crée un tout visuel. Sur un plan métaphorique, elle nous entraîne de l’intérieur du corps, dominé par les fonctions, au monde extérieur du quotidien, où la chance et l’aléatoire sont sur un pied d’égalité. L’incongruité de ces juxtapositions en a conduit plus d’un à placer Cragg parmi les surréalistes modernes. Il est pourtant peu probable que les théories de ce mouvement l’aient particulièrement intéressé, compte tenu de son goût pour les connaissances scientifiques. Plus vraisemblablement, il aurait été séduit par la disproportion entre l’échelle et la forme du contour régulier des petits dés et les volumes organiques que ceux-ci masquent. La matière de la texture éclatante qui camoufle les dés ajoute beaucoup à l’impact visuel saisissant de ces sculptures qui se font pendant.

Pour décrire son œuvre, Cragg utilise la métaphore du paysage : « On dit de mes œuvres qu’elles sont très variées, mais je n’en suis pas si sûr [...] J’imagine la fabrication d’un paysage qui regrouperait tous les éléments : ici l’univers urbain, là l’architecture, etc., ici l’atmosphère, là le monde organique, ici encore la structure géologique1. » Une place dans mon cœur fait référence au monde organique, évoquant avec esprit et contre toute attente l’univers corporel des sensations intimes. Grâce à cette acquisition, le Musée a la possibilité d’illustrer l’évolution de Cragg, autrefois soucieux de créer des images tridimensionnelles du quotidien à partir d’objets récupérés du paysage urbain – ainsi que l’atteste S Rouge(1983) déjà dans la collection du MBAC –, et aujourd’hui inspiré par des allusions créatrices au corps et aux processus invisibles qui assurent la vie. Par son éloquence visuelle, cette sculpture enrichit de façon importante la collection d’art contemporain.

1. Tony Cragg, cité dans Thomas McEvilley, « Tony Cragg: Landscape Artist »,
dans Paul Schimmel et al., Tony Cragg: Sculpture 1975–1990, catalogue d’exposition,
Newport Harbor Art Museum, Californie, 1990, p. 110.