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La légende du garçon aveugle
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Toonoo Sharky
La légende du garçon aveugle, 1998
Pierre verte, pierre brune, ivoire et fanon de baleine
47 × 57 × 15 cm
Acheté en 1999
© West Baffin Eskimo Cooperative Ltd.

Résidant au Nunavut, Tooney Sharky est un enfant du nouvel Arctique. À sa naissance, ses parents et ses grands-parents vivaient dans la communauté de Cape Dorset depuis près de dix ans. Pour Sharky, la vie de camp des générations précédentes d'Inuit a fait place aux maisons préfabriquées dans le style du Nord, dotées de téléviseurs et de postes de radio, ainsi qu'aux aliments achetés dans les magasins et à la plupart des autres commodités modernes. Néanmoins, la vie contemporaine des communautés du Nord se distingue de bien des façons de celle qu'on mène ailleurs au pays dans la mesure où ces populations ont le souci de découvrir leur propre voie entre les pratiques inuit ancestrales et les influences venant du Sud.

Sharky abandonne assez tôt ses études pour se joindre à la communauté d'artistes de Cape Dorset et y travailler à temps plein comme sculpteur. Encore relativement jeune, il a déjà vu ses œuvres intégrées de nombreuses expositions collectives depuis 1987, dont l'exposition internationale itinérante Transitions. L'art contemporain des Indiens et des Inuits du Canada, présentée d'abord à Paris en 1997. Deux expositions individuelles - à la Galerie Inuit de Manheim en Allemagne en 1992, et à la Guilde canadienne des métiers d'art-Québec à Montréal en 1998 -, l'ont consacré comme étoile montante de la sculpture.

La légende du garçon aveugle donne un nouveau souffle à une vieille légende inuit. Elle raconte l'histoire d'un jeune garçon qui recouvre la vue par magie lorsqu'il plonge dans l'eau assis sur le dos d'un huard. Ici Sharky ne représente aucun épisode particulier de la légende, se contentant de résumer celle-ci par des métaphores visuelles. Sur le devant de la sculpture, l'œil manquant sur le visage symbolise la cécité et l'œil normal la vue recouvrée. Les grosses pattes palmées qui forment le socle et, au dos, la figure encadrée par des ailes, évoquent le huard à la fois comme créature vivante et comme esprit bénéfique. On assiste ici à un phénomène d'intégration : le huard, le jeune aveugle et la magie de leur rencontre.

Sharky a appris son art en observant son entourage, en particulier son grand-père, Kopapik Ragee, et son beau-père Shorty Killiktee, deux artistes renommés. Pourtant tout un monde sépare leur travail du sien. Pour Kopapik, la sculpture fut une voie nouvelle qu'il emprunta après toute une vie passée à sillonner le territoire. Deux générations plus tard, Sharky, qui a grandi entouré d'artistes, ne partage pas la conception de la vie qui se reflète dans le travail de ses prédécesseurs. Ne connaissant pas les détails de la vie de campement, il leur laisse très peu de place dans sa production. Il se concentre plutôt sur des pièces complexes et travaillées qui en disent aussi long sur son exploration des limites de son art que sur la culture inuit. On le connaît surtout pour ses œuvres qui associent la faune de l'Arctique à des visages ou à des masques d'humains. Alors que par le passé la représentation des animaux servait à transmettre aux jeunes des années d'expérience de survie dans la toundra, chez Sharky elle apparaît essentiellement comme une façon de se rattacher à ses aînés et d'évoquer leur souvenir: « J'ai vraiment l'impression de porter en moi mon grand-père et Shorty. Quand je sculpte des poissons : à têtes d'hommes, mon grand-père est là, et Shorty est là lorsque je travaille mes oiseaux. Mais en même temps, je suis moi-même et non pas eux [...] Je les incorpore dans ma pensée et je me fais mes propres idées. »