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Scène de rue
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Miller Brittain
Scène de rue, 1936
Pastel et fusain sur papier vélin crème
76,2 x 107,9 cm
Don d'Evelyn McAndrew, Toronto, 2000
© J. Brittain

À l'époque où la plupart des artistes canadiens subissent l'influence du Groupe des Sept, peu de peintres résistent à l'envie de se consacrer au paysage. Miller Brittain compte parmi ces exceptions, et son choix de représenter des habitants de sa propre ville de Saint-Jean au Nouveau-Brunswick ajoute également à son originalité. Que ses œuvres reflètent un esprit très vif, une critique sociale cinglante ou une grande compassion à l'égard des moins favorisés, il reste que sa vision porte la marque d'un humanisme qui ne se dément jamais.

En 1930, Brittain part pour New York étudier à l'Art Students League et s'inscrit au cours de Harry Wickey. Partisan de l'École des poubelles [Ashcan School], Wickey sera son mentor pendant ses deux années à la ligue. Certes, Brittain admet que l'intérêt de Wickey pour la ville et pour sa classe ouvrière fournit des sujets qui lui conviennent, mais sur le plan stylistique il se laisse séduire par cette nouvelle génération de réalistes américains, entre autres par Reginald March, Edward Hopper et Martin Lewis, qui réagissent aux multiples facettes de la vie de New York pendant la Grande Dépression.

Dans les années suivant immédiatement son retour de New York, Brittain ne produit rien que l'on puisse qualifier de capital. N'ayant que peu d'argent et peu de clients ou d'élèves, quand il en a, il s'attache à réaliser des petites esquisses au crayon des gens ordinaires qui acceptent de poser pour lui ou qu'il observe pendant qu'ils s'acquittent de leurs tâches quotidiennes dans les rues et les quartiers environnants. En 1936, il commence une série de grands dessins au fusain à la manière des réalistes américains, illustrant des scènes locales où l'on voit notamment les acteurs du Little Theatre en répétition, un ministre du culte prêchant pendant un service dominical, l'intérieur d'un tramway bondé ou des débardeurs au chômage. Ces dessins en noir et blanc lui valent rapidement une notoriété nationale, et plusieurs paraissent dans Saturday Night et dans Canadian Forum.

Le pastel Scène de rue se rattache à ce groupe de dessins en noir et blanc, même s'il s'agit d'une œuvre en couleurs deux fois plus grande. La petite rue animée de Saint-Jean apparaît comme un microcosme des grandes artères grouillantes de New York. Brittain capte en même temps plusieurs sujets en action : un porteur de journaux qui hurle les grands titres, un chien qui se jette devant une voiture, un jeune homme en plein élan qui se retourne pour lorgner trois jeunes femmes en conversation tandis qu'un autre est éclaboussé par une voiture qui passe. L'échelle et la complexité de la composition dépassent de loin celles de toutes les autres œuvres connues de l'artiste réalisées jusque là. Il est fort peu probable que Scène de rue résulte d'une esquisse sur le vif, et à notre connaissance il n'existe pour elle aucune étude préparatoire. Certains indices laissent à penser qu'elle serait plutôt le fruit d'une combinaison de dessins antérieurs au crayon que Brittain a exécutés peu de temps après son retour de New York.

Ce merveilleux pastel, que l'on peut considérer comme la première œuvre majeure de Brittain, a appartenu - peut-être de façon appropriée - à la mère de l'artiste. Son existence a été révélée en 1970, année de sa première et apparemment unique présentation au public. A l’occasion de la mort de la mère de l’artiste, l’œuvre a vraisemblablement été laissée à sa petite-fille, Jennifer Brittain, qui a arrangé une vente privée avec l’aide de la Galerie Simon Dresdnère à Toronto. Par la suite, Mlle Evelyn McAndrew a acheté le pastel de la Galerie avant d'en faire don au Musée, et grâce à sa générosité, chacun peut enfin admirer un chef-d'œuvre que l'un de nos artistes les plus éminents a exécuté en début de carrière.