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Salon
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Alex Colville
Salon, 1999- 2000
Acrylique sur panneau de fibres
41,8 x 58,5 cm
Acheté en 2000

On pourrait décrire le peintre canadien Alex Colville comme un artiste de tempérament classique, autant dans ses préoccupations que dans ses méthodes. Ses œuvres se reconnaissent aisément à cette impression du temps suspendu qui s'en dégage de façon caractéristique. Colville transpose à sa manière un certain malaise de l'existence qui dérive d'une reconnaissance des immenses possibilités de l'étrange dans le quotidien ainsi que des aléas de la vie humaine. Dans des descriptions minutieuses et souvent obsessives de moments forts et prégnants, il exacerbe le sentiment d'angoisse qui nous assaille devant l'impossibilité d'arrêter le temps. Péniblement gagné sur le désordre et la violence latente, l'ordre demeure précaire. D'autres œuvres atteignent des effets de grand calme et de sérénité, mais à la suite d'efforts concertés. Son travail élaboré minutieusement à petites touches s'appuie sur l'adaptation de dessins pour lesquels il a recours à des systèmes éprouvés de rendu des proportions. Salon, une de ses œuvres les plus récentes, constitue une sorte d'hiatus dans son cheminement, car le traitement de la lumière y est tout à fait inusité. Au lieu d'obtenir des effets de lumière contenus à l'intérieur des formes sans ombre portée comme à son habitude, Colville conçoit un traitement lumineux qui couvre la surface entière du tableau. Un passage rasant de l'ombre à la lumière mène le regard vers la pianiste qui exerce son art et crée, du coup, un puissant symbolisme. Par ailleurs, le grand silence qui enveloppe le tableau invite au recueillement propice à l'interprétation et à l'audition de pièces musicales.

Captif de l'ombre, le personnage masculin pourrait représenter l'artiste, mais en plus vieux et en plus vulnérable, alors que la pianiste dans la lumière ressemble à son épouse Rhoda. Sur le tapis entre eux, un chien rappelle Min, récemment disparu, qui fut de nombreuses années le fidèle compagnon du couple Colville. À l'atmosphère lugubre de la section de gauche répond la lumière plus chaude et rédemptrice de la partie de droite. Comme si l'art offrait une protection contre la finitude. Ars longa, vita brevis, la vie est brève mais l'art perdure. En voyant l'artiste qui se représente à un âge un peu plus avancé, le spectateur pressent quelque chose de sinistre; encore une fois Colville réussit par sa peinture à transmettre des émotions fort complexes et difficiles à exprimer, mais qui sont le lot du genre humain. C'est en cela que réside la force de son art : à l'absence de permanence dans la vie, un phénomène qui le perturbe profondément, il oppose l'art. Sur le mode de la métaphore, il se joue de nos propres insécurités à l'égard de notre destinée et de celle de nos proches. Il n'existe qu'une certitude : il y aura une fin. D'ici là, tout est possible, car nous en ignorons le jour et l'heure.