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Artiste au profil de carrière éminent, Micheline Beauchemin a régulièrement décroché depuis ses débuts de nombreuses commandes prestigieuses sur la scène nationale et internationale, dans le cadre de programmes variés d'intégration de l'art à l'architecture. Un séjour en Grèce en 1954 lui avait fait découvrir les coloris éclatants des broderies et tapis crochetés de paysannes grecques, ce qui la motivera par ricochet à se spécialiser en tapisserie. Ses talents dans le domaine furent bientôt reconnus : dès 1955, elle expose tapisseries et vitraux au Palais de Chaillot à Paris. En 1962, elle se rend au Japon où elle rencontre, afin de se familiariser avec les techniques locales, la famille Tatsumara, des tisserands liés à la famille impériale depuis des générations; un second voyage puis un troisième raffermiront ses relations de travail avec les Japonais, qui confectionnent toujours ses fils selon ses propres spécifications. Elle avait par ailleurs, au milieu des années soixante, rencontré à Montréal Isamu Noguchi qui l'avait invité à venir travailler au Japon dans les filatures de son ami Kawashima Jimbee. C'est là qu'elle confectionnera en 1967-1968 l'une de ses réalisations les plus spectaculaires, le rideau de scène du Centre national des Arts à Ottawa, toujours impressionnant dans sa fraîcheur quelque trente-cinq ans plus tard. Le plus grand métier à tisser de l'époque s'y retrouvait, un appareil de quinze mètres de longueur et d'une hauteur de trois étages. Profitant du séjour de Beauchemin au Japon, la Nihonbashi Gallery de Tokyo lui consacra une exposition en 1968. Installée à Grondines depuis bien des années, elle a exécuté quantité de projets dans un atelier adjacent à sa maison tricentenaire, et contribué par la même occasion à la formation d'un grand nombre de stagiaires venus de plusieurs pays. Son inspiration première est la lumière fluctuante, tantôt iridescente, tantôt mordorée, réfléchie par le fleuve Saint-Laurent notamment au moment du dégel, lorsque les glaces qui émergent arborent un bleu profond. La grande variété de plus de soixante tons de bleu de cette Carapace givrée bleu nordique à composition abstraite rend d'une manière ingénieuse les effets lumineux du phénomène éphémère de la débâcle des glaces. Au cours d'une dizaine d'années, Micheline Beauchemin a conçu une série d'hommages au Saint-Laurent dont fait partie la Carapace givrée bleu nordique (1984). Le fleuve se révèle d'une importance primordiale pour sa famille : les Beauchemin de Sorel étaient engagés dans les activités maritimes et son père ingénieur avait la responsabilité de la navigation sur le fleuve. « La présence du fleuve est absolument nécessaire à ma création, nous dit-elle. Je m'intéresse surtout à la lumière, donc à la couleur qui est inhérente à la lumière [...] Pour moi, le fleuve c'est une coulée d'argent, de métal liquide. Je ne pouvais exprimer le fleuve ni avec de la laine, ni du coton, ni même de la soie grise. Mais au Japon on m'a présenté mille couleurs d'argent ! » Dans cette tapisserie singulière, se fusionnent avec brio les effets miroitants de reflets métalliques colorés (grâce au recouvrement des fils au mylar), les textures variées dans leurs dégradés de tons de bleus et agrémentées de volumes qui suggèrent des drapés, le tout sur une surface fascinante à examiner dans tous ses détails. |