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Portrait de famille
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Geneviève Cadieux
Portrait de famille, 1991
Diachromie Cibachrome, épreuve Cibachrome Pearl, 3 caissons à lampes fluorescentes
Caissons : 233,1 x 233,1 x 39 cm chacun
Don de l'artiste, Montréal, 2001

Cadieux travaille avec des images grand format, autant en couleurs somptueuses qu'en noir et blanc, depuis le début des années 1980. Elle traite surtout du corps, bien que plus récemment elle ait exposé des paysages, des sculptures et une projection vidéo. Ses images se caractérisent par leur qualité cinématographique. Ses œuvres de grand format offrent souvent des vues rapprochées des visages ou de la surface de la peau, parfois des creux du corps. Trou de mémoire, la beauté inattendue (1988), par exemple, est une forme sculpturale produite à partir d'une immense photographie d'une cicatrice affreuse. Dans une autre œuvre traitant du corps - plus dramatique et à caractère autobiographique, Hear Me with Your Eyes (1989) - Anne-Marie Cadieux, sœur de l'artiste et comédienne, exprime la douleur ou le plaisir, traduisant l'intérêt de Geneviève pour les états émotifs, l'irréconciliable et l'incommunicabilité.

L'immense installation Portrait de famille montre la mère, le père et la sœur de l'artiste, chaque gros plan des têtes ayant pour support un caisson autonome à lampes fluorescentes. Les caissons monumentaux forment un triangle ouvert, une configuration qui dote chaque portrait photographique sculptural d'une face publique (extérieure) et d'un espace plus privé (la face intérieure). En se déplaçant à la périphérie du portrait de groupe, les spectateurs comprennent que quelque chose cloche. Le père a les yeux baissés et presque clos, et il affiche une expression d'échec ou de tristesse. En revanche, Anne-Marie, dont les yeux sont également clos, projette une image de défi. Les yeux de la mère semblent à la fois ouverts et fermés; elle voit tout en ne voyant pas. Dans ce portrait, Cadieux se joint aux membres de sa famille par l'intermédiaire de l'acte photographique. À des lieues du portrait de famille idéalisé, ces images ne servent en aucune façon à glorifier l'héritage de la famille.

Lorsque les spectateurs s'aventurent dans l'espace intérieur du Portrait, la tension exprimée à l'extérieur se confirme. Les trois photographies qui s'y trouvent montrent respectivement le derrière de la tête d'Anne-Marie, la poitrine dénudée du père et la main levée de la mère. La sœur de l'artiste tourne littéralement le dos à sa famille. Du sang coule de la main de la mère, ce qui nous renvoie l'image d'une sainte ou d'une victime. Le gros plan des lèvres ouvertes d'Anne-Marie tiré de Hear Me with Your Eyes se superpose à la poitrine du père, les lèvres étant un écho visuel des émotions exprimées par Anne-Marie dans les photographies antérieures. La nature de la tragédie vécue nous échappe et demeure objet de spéculation, et les spectateurs en sont quittes pour se demander si les portraits ont un quelconque aspect autobiographique.

Plus de dix ans se sont écoulés depuis que Cadieux a réalisé cette œuvre, et le portrait commence à acquérir un statut quasi documentaire de même qu'à jouer un rôle d'auxiliaire de la compréhension et de la mémoire. Pour la famille qui vieillit, ce portrait restera le document d'un moment figé dans le temps, et un jour, il fera peut-être office de monument à la mémoire ceux qui auront quitté ce monde.