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Transmutation
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Brian Jungen
Transmutation, 2000
Chaises en plastique
145 x 660 x 132 cm
Acheté en 2001

L'ascendance hybride de Brian Jungen l'a rendu vivement conscient de l'ironie inhérente à la transformation culturelle. L'un de ses parents étant suisse et l'autre autochtone, Jungen a grandi dans la région nord-est de l'intérieur de la Colombie-Britannique, près de Fort St. John, et il est membre du clan de Doig River de la nation Dunne-za. Diplômé du Emily Carr Institute of Art and Design en 1992, il a vécu et travaillé à différentes périodes à Montréal, New York et Vancouver.

Depuis l'exposition de sa série de masques inspirés du style de la côte nord-ouest et réalisés en 1999 à partir de chaussures de sport de grandes marques, Jungen remet en cause les idées reçues à propos de ce qui constitue l'art autochtone, tout en faisant un usage radical des « ready-mades » commerciaux qui se vendent à l'échelle de la planète. Transmutation, dont le titre évoque les contes de métamorphoses, poursuit et approfondit ces voies de recherche. À première vue, cette sculpture suspendue au plafond ressemble à une sorte de squelette de dinosaure comme on en trouve dans les musées d'histoire naturelle. En y regardant de plus près, on constate que la sculpture est constituée de pièces de plastique découpées dans des chaises de parterre et assemblées par des boulons.

Le squelette de baleine de Transmutation n'est pas conforme sur le plan anatomique : il s'agit d'un amalgame créé d'après plusieurs photographies de squelettes de diverses espèces. Paradoxalement, le premier élan de Jungen l'avait conduit à se servir des chaises de la façon dont les artistes autochtones de la préhistoire avaient utilisé les os de baleine pour exécuter leurs sculptures. Par contre, dans Transmutation il a rendu les « os de baleine »aux baleines. On peut considérer sa méthode de travail comme une espèce de pratique archéologique inversée : commençant avec un objet neuf et entier, il l'a « miné » à répétition pour en extraire des fragments de squelette qu'il a ensuite assemblés afin de former les restes de ce qui ressemble à une créature qui aurait pu exister.

Jungen a commencé à travailler avec les chaises de plastique à l'époque où il fabriquait sa Bush Capsule (2000), une pièce conçue comme un abri saisonnier temporaire semblable à ceux qu'utilisaient les membres de sa famille autochtone. Les chaises avaient d'abord attiré son attention par leur qualité d'objets ordinaires autant que par leurs lignes magnifiquement sculptées, puis il s'est rendu compte qu'il pouvait construire une sorte de dôme géodésique en se servant de certaines parties de ces chaises comme éléments modulaires de soutien, un peu comme les Inuits utilisaient les os de baleine pour construire les murs et les chevrons de leurs habitations d'hiver. Tout en travaillant à sa Bush Capsule, Jungen commença à s'intéresser aux expositions consacrées aux baleines au Vancouver Aquarium et au Museum of Anthropology de l'Université de la Colombie-Britannique. En réfléchissant à la façon dont les établissements culturels contemporains présentent les espèces menacées comme objets d'expositions éducatives et comme attraits touristiques, le triste sort réservé à l'espèce des cétacés lui est apparu comme un symbole de la situation que vivent les peuples autochtones et leur culture : fétichisés en même temps que marginalisés. Transmutation combine curieusement ces thèmes sociaux dérangeants avec une exubérante déconstruction de la surface matérielle de notre culture de consommation.