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Parmi les orfèvres ayant pratiqué leur art en Ontario au XXe siècle, Harold Stacey occupe une place prépondérante. Sa contribution au renouvellement de l'orfèvrerie repose sur l'adoption de principes rigoureux, enracinés dans les préceptes du fonctionnalisme qui prônent le recours à des formes géométriques simples, subtilement agencées. Le Musée des beaux-arts du Canada s'enorgueillit d'être la première institution au pays à acquérir de ses uvres pour sa collection. Initié au travail du métal par George Alfred Izon à la Central Technical School à Toronto, Stacey décida de privilégier le travail de l'argent dès 1932. Il subit aussi l'influence déterminante de Hokan Rudolph Renzius, artiste du métal originaire de la Suède et établi à Toronto. Un point tournant survint en 1949, lorsqu'il reçut une invitation à étudier à la Rhode Island School of Design où Baron Erik Fleming, orfèvre de la famille royale suédoise, donnait un cours d'été visant à introduire en Amérique du Nord les approches traditionnelles suédoises de mise en forme. Stacey participa à trois séminaires. En 1950, Stacey avait atteint la pleine maîtrise de son art, aussi peut-on affirmer que le Service à café constitue son chef-d'uvre. On saisit bien ici la volonté de renouveler le vocabulaire formel : Stacey fait partie de ces designers d'après-guerre qui manifestent le désir de créer une nouvelle philosophie de l'objet utilitaire, antihistorique. Bien que la cafetière soit utilisable, son aspect fonctionnel apparaît presque secondaire en regard des considérations esthétiques. La subtilité des formes importe au suprême degré aux yeux de son concepteur. Aussi, pour apprécier à sa pleine valeur un objet en argent à la décoration minimale comme celui-ci, il faut l'envisager sous un angle bien précis. Bien que les facettes dues au martelage des surfaces restent perceptibles sur la cafetière, la réflexion de la lumière repose essentiellement sur la forme de l'objet. La Scandinavie a exercé sur Stacey une influence qui apparaît ici de façon manifeste et se justifie certes du fait que l'artiste a côtoyé les Renzius et Fleming, mais il faut se souvenir qu'elle a constitué à cette époque une source d'inspiration non négligeable pour le renouvellement dans le mobilier et les arts décoratifs nord-américains. L'analyse technique confirme la même tendance : la rétreinte et l'emboutissage des feuilles d'argent en divers degrés d'épaisseur concordent parfaitement avec l'approche scandinave contemporaine. À propos de cette technique, Stacey devait affirmer : « Elle produit un effet de grande richesse et de qualité. Superbe, mais fort coûteux ». Une inscription au cul des trois récipients révèle que Stacey envisageait une édition limitée; il ne reçut aucune commande, mais Douglas Duncan acheta le service peu après qu'il fut exposé. Honorant des commandes tout aussi nombreuses que variées, Harold Stacey conçut et réalisa plusieurs uvres d'intérêt au cours de sa carrière, mais dans aucune autre ne trouve-t-on autant d'intensité que dans ce Service à café. |