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Grand Riviere est le premier tableau de Doig qui représente Trinité, où il vit maintenant. La scène dégage un air tropical et quelque peu exotique. À l'été 2000, Doig avait pris plusieurs photographies du lagon à Grand Riviere, dont une d'un cheval blanc sur la plage, entouré d'une volée de corbeaux. De retour à son atelier de Londres, Doig a peint la scène. De manière générale, Doig soumet ses images de départ, qu'il s'agisse de ses propres photographies, de clichés de famille, de cartes postales ou de photos trouvées, à des manipulations ultérieures. Parfois il photocopie des photos, puis photocopie la photocopie, parfois il dessine ou peint par-dessus une photographie. Au moment de peindre Grand Riviere, l'artiste s'est fié à quelques photos prises là-bas, de même qu'à son souvenir de l'endroit, qu'il a traduit par une luxuriance et une humidité appuyées. D'une façon typique chez Doig, le paysage se divise en sections horizontales. La forêt dense, verte et ondulante et les bandes d'eau outremer et bleu foncé se trouvent étrangement éclairées par le clair de lune et les étoiles. La façon dont la peinture est appliquée et l'intensité des couleurs créent une ambiance empreinte de chaleur et de lourdeur. Comme dans la plupart des peintures de l'artiste, il y a quelque chose de dérangeant dans ce tableau. À l'instar de nombreux paysages contemporains, les uvres de Doig peuvent être interprétées comme une représentation des ruines de la modernité, du passage d'une économie basée sur les ressources naturelles à une économie postindustrielle et d'une critique contre-utopique du progrès, mais elles possèdent également un caractère beaucoup plus ambigu. Ses tableaux montrent souvent un endroit singulier ou qui a pour lui une signification personnelle profonde, mais ils évoquent par-dessus tout un état d'âme difficile à décrire. Alors qu'il vivait à Londres, Peter Doig peignait rarement des scènes situées dans son environnement immédiat. Il était surtout attiré par des lieux qui se trouvaient à une certaine distance de chez lui. Plusieurs de ses premières uvres représentent des lieux au Canada ou, du moins, qui ont l'air canadien. Ces « ailleurs » apparemment nordiques sont souvent ensevelis sous la neige. À propos de cette portion de son uvre, Doig parle avec facilité, comme peu d'artistes canadiens le font en ce moment, de l'influence qu'ont eue sur lui David Milne, le Groupe des Sept et Paterson Ewen notamment. Avec Grand Riviere, Doig porte encore une fois son regard loin des confins de Londres, mais cette fois vers le sud, suivant peut-être les traces de James Wilson Morrice (1865-1924), un autre peintre canadien. Morrice s'est en effet rendu en Afrique du Nord (comme son ami Matisse) et dans les Antilles à la recherche de lumière et de couleurs vives. Morrice, qui voyageait beaucoup tout en conservant ses liens avec le Canada, serait le premier artiste canadien à avoir été reconnu sur la scène internationale. Il aurait également introduit un certain type de peinture moderne au Canada. Il n'est pas surprenant de constater que Doig a subi l'influence de Morrice et de Matisse et qu'il a amalgamé le modernisme et l'internationalisme que chacun représente. |